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Le roman vers 1830

Par Isabelle Tournier

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A l'époque où Balzac entre en littérature (1818), le roman n'a vraiment rien pour attirer un jeune homme qui rêve la gloire plus encore que la fortune. Les genres fonctionnent encore dans un système de hiérarchique hérité du classicisme : la tragédie y est considérée comme le grand genre, le seul apte à valoriser celui qui l'accomplit (et l'apprenti commence logiquement par une tragédie, Cromwell, qui ne réussit même pas à séduire le cercle de la famille) ; elle est suivie par la poésie et, tout en bas de l'échelle, par le roman, méprisé et réservé au public féminin.

Certes, il a quelques grands ancêtres comme Manon Lescaut de l'abbé Prévost ou La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, d'autant plus célébrés qu'on les considère comme les exceptions qui viennent confirmer la règle de médiocrité, sinon d'indignité, du genre.

On reproche au roman son immoralité (et Balzac continuera, sa vie durant, à batailler contre ce reproche) et son absence de normes. En effet, dans la tradition du classicisme, le chef-d'oeuvre se mesurait à son respect des règles du beau (qu'on se rappelle la querelle du Cid de Corneille qui posait le problème d'une oeuvre enfreignant la plus sacro-sainte des lois du théâtre, la règle des trois unités). Or, il n'existe, quand Balzac commence à écrire, aucune règle pour le roman qui n'a jamais connu les honneurs d'un art poétique. Par conséquent, il reste en marge des Belles-Lettres et échappe en partie à des critères de jugement solidement définis. Il faudra attendre 1858 pour qu'un romancier, Jules Sandeau (surtout connu par la postérité pour avoir « prêté » son nom à George Sand, dont il fut l'un des premiers amours) entre à l'Académie.

En 1840, par exemple, un dictionnaire de langue usuel, celui de Napoléon Landais, donne encore une définition du « romancier » : « Auteur des anciens romans et par moquerie (c'est nous qui soulignons l'expression) auteur des romans modernes » ce qui nous renvoie à l'article « roman » : « Récit fictif de diverses aventures merveilleuses ou vraisemblables de la vie humaine, et qui traite ordinairement de galanterie, d'amour […] Aventure de roman : qui paraît surprenante […] » Cette parenthèse lexicologique est riche d'enseignements sur le statut de l'auteur de roman et sa filiation indiscrète avec les vieilleries d'un romanesque conventionnel, bien peu soucieux de vérité.

Si Balzac apprend vite à exploiter la liberté du genre pour forger des formes entièrement neuves, on comprend qu'il avait déclaré que ses « ouvrages » étaient improprement appelés « romans ». En 1835, c'était au tour de l'un de ses préfaciers (dont il tenait la main pour être sûr que les louanges seraient à la hauteur de ses espoirs) de contester le terme de « romans », ou « […] de nouvelles sous lesquels on a mêlé, rapetissé ses nombreuses compositions ».

Par son oeuvre, Balzac travaille objectivement à la promotion du genre mais, en parole, il s'en détourne et refuse de se reconnaître, lui et ses livres, dans ce terme.