Par Robert Tranchida
Historique de l'édition Furne | L'entreprise "Furne" | Une édition illustrée | La reprise "Houssiaux" : 1848-1855 |
L'Edition Furne Notices des romans Portraits de Balzac Dossiers |
C'est sous le titre de La Comédie humaine qu'Honoré de Balzac réalise la première édition de ses Oeuvres complètes. Dix-sept volumes publiés entre 1842 et 1848 sont, après sa mort, complétés par trois autres entre 1853 et 1855. Cette édition est communément désignée comme "l'édition Furne", du nom du premier des coéditeurs à s'être lancé dans une telle entreprise éditoriale, sans précédent dans la littérature française. Cette édition originale rassemble les textes que Balzac avait déjà publiés une douzaine d'années durant, séparément ou partiellement regroupés, et laisse place aux oeuvres à venir ; elle offre en outre la particularité d'être illustrée de nombreuses gravures hors texte.
Le nom de Paulin figure sur les deux premiers volumes parus en 1842, ceux de Dubochet et d'Hetzel jusqu'en 1846. A cette date, ces trois éditeurs se sont retirés, laissant à Charles Furne le soin de poursuivre l'entreprise. A son tour, Furne cède le stock des volumes invendus de La Comédie humaine à Alexandre Houssiaux, son premier commis. En octobre 1846, celui-ci annonce - toujours sous le nom de "Furne et Cie" - une remise en vente des seize volumes de l'édition précédente, prévue en cent soixante livraisons.
Une édition illustrée Le traité ne prévoyait pas d'illustrations mais les coéditeurs ont très vite décidé d'introduire des gravures. Le protocole adopté en matière d'illustration participe à la vogue des ouvrages collectifs, des "musées" ou "galerie d'images" liés à "la littérature physiologique" à la mode dans les années 1840-1845. On connaît mal le rôle joué par Balzac dans l'illustration de ses oeuvres. S'il surveille de très près, comme à son habitude, l'impression des textes, il semble aussi participer au choix des illustrateurs et à la distribution des tâches. Il établit à l'attention de ses éditeurs une liste des principaux personnages à représenter et propose de les attribuer à des artistes, certains connus de longue date. L'ancien journaliste de presse illustrée qu'est Balzac paraît d'ailleurs exiger une implication réelle de l'artiste : "il est indispensable que les dessinateurs lisent le livre" ; et il s'en préoccupe auprès de l'imprimeur : "dans l'intérêt de ces messieurs, il faudrait avoir un volume en avance tiré pour pouvoir le donner aux dessinateurs." Ces indications sont rarement suivies et il ne parvient pas à obtenir le concours de tous les artistes auxquels il avait pensé. Pour réaliser ces gravures, un parti semble avoir été plus ou moins défini : la gravure sur bois de bout ; un format unique ; le hors-texte accompagné d'une légende (celle-ci réduite à un nom de personnage), d'un fragment de texte et du titre du roman ; la représentation des personnages plutôt que des scènes narratives ; les portraits en pied, parfois à mi-corps. Quelques planches réunissent deux ou trois personnages, voire plus, comme la scène finale des Mémoires de deux jeunes mariées qui montre la mort de Louise entourée des siens. On doit l'une des rares scènes historiées à Daumier qui dessine pour Ferragus un personnage étendu sans connaissance sur le pavé. Certaines figures sont entourées d'un environnement décoratif, telle la Madame Gruget de Bertall où l'on devine un angle de cheminée avec quelques objets posés dessus. Conformément, si l'on peut dire, au dessein balzacien de mettre en scène les différentes "espèces" humaines, cette galerie de portraits rassemble des "caractères" singuliers, propres à l'univers romanesque de Balzac. Bien des questions demeurent en suspens : Balzac a-t-il été satisfait du résultat final ? S'il souligne, à l'occasion, la réussite typographique, le "luxe et la perfection" de cette "curiosité bibliographique", nous ignorons quelles furent ses réactions face aux illustrations. L'essentiel des échanges avec Hetzel porte sur des problèmes d'impression et de publication et il ne semble pas que le choix des artistes ait fait l'objet de discussions, à une ou deux recommandations près. Mais il serait faux de dire que Balzac ne s'est jamais mêlé des illustrations, puisqu'il a un échange avec Bertall en 1845 à propos des Petites Misères de la vie conjugale. On peut aussi se demander si Balzac s'est prononcé sur la place des gravures dans le texte : la position en frontispice est fréquente mais non systématique ; la répartition semble davantage établir une scansion à travers une seule et même galerie d'images qu'amorcer un épisode narratif. Cependant, tous les volumes ne sont pas également pourvus et des personnages importants ne sont pas représentés. Est-ce dû à des raisons économiques, comme semble le suggérer une note de Furne, à l'indisponibilité des artistes ou à des retards dans la livraison de certains travaux de gravure ? Enfin, vingt-deux titres n'ont pas du tout été illustrés, dont beaucoup d'oeuvres courtes et plusieurs contes philosophiques.
La reprise "Houssiaux" : 1848-1855 Alexandre
Houssiaux acquiert dès juillet 1846 la propriété de
l'édition
de La Comédie humaine et lance une souscription
des seize premiers volumes. En novembre 1848, il publie sous
le nom de "Furne et Cie" un nouveau volume incluant les Parents
pauvres,
et il lance une souscription des dix-sept volumes en trois cent
quarante livraisons quelques mois plus tard. Le dernier apport d'Houssiaux s'échelonne de 1853 à 1855. La librairie de la France annonce en 1853 une nouvelle souscription par livraisons de "La Comédie humaine. Oeuvres complètes de H. de Balzac, avec une notice de George Sand, 20 vol. in-8° ornés de gravures et 1 portrait de l'auteur. Seule édition de bibliothèque. Elle comprend les ouvrages manquant à l'édition précédente." En effet, Houssiaux publie un dix-huitième volume comprenant Les Paysans et les Petites Misères de la vie conjugale, et complète La Comédie humaine par deux romans dont Balzac souhaitait l'intégration.
Cet historique de l'édition Furne est extrait du catalogue Souscrivez à La
Comédie
humaine ! Oeuvres complètes de M.
de Balzac. Édition de luxe et à bon marché.
Paris : Paris-musées, 2001. 60 p. ISBN 2-87900-559-0 |